par Petronella van Dijk
photo: Daniel Estades

Le plus grand festival du conte en France, 32 ans!

Le festival Les arts du récit est un des plus vieux, mais surtout un des plus grands, des plus fournis, des plus foisonnants, des plus étendus. En cette année de la 32e édition, 60 artistes, 110 activités qui se répartissent sur tout le territoire du département de l’Isère (22 municipalités!).

Le festival, c’est une complicité entre plusieurs lieux de culture (musées, écoles, maisons des jeunes…) avec des partenariats riches, porteurs de sens, comme par exemple le partenariat avec le Musée dauphinois de Grenoble dont l’exposition sur le Japon a incité le festival à proposer plusieurs spectacles de conte sur ce même thème.

Notons qu’une bonne proportion des spectacles est destinée au jeune public et que le Centre des arts du récit bénéficie d’un soutien financier important.

 

Les spectacles

À la sortie de l’autobus, Jean-Claude Carras nous attend. C’est un des «vieux de la vieille», fidèle bénévole depuis les débuts du festival. Nous l’avions déjà rencontré, à Montréal. Retrouvailles sympathiques.

Il nous emmène directement au lieu du spectacle de la soirée : Barbe bleue, avec nulles autres que Nadine Walsh (Québec) et Catherine Gaillard (Suisse), que nous connaissons toutes deux. Spectacle épuré, pétri de quatre contes merveilleux où, tout simplement «…on agrandit la vérité»! Sur la scène, une série de chaises qu’elles vont faire bouger entre deux contes. D’entrée de jeu, c’est Nadine Walsh qui commence avec une version québécisée d’un des classiques paru dans Grimm : Le genévrier qui devient pour l’occasion l’histoire de l‘amélanchier. Ensuite c’est au tour de Catherine Gaillard et pour terminer, les deux conteuses entremêlent leurs voix pour conter, en parallèle et en alternance, deux autres contes, dont une belle version de La mensongère, chère à Michel Faubert. Le tout restant fluide et solide. Mais… toutes ces chaises… sont-elles bien nécessaires?

 

En sortant du spectacle, c’est le repas. Tout le monde se retrouve. Ambiance bien connue. Nous l’avons amplement pratiquée et ce temps, partagé entre gourmandise des mots et des mets, est toujours essentiel pour clore une journée bien chargée.

 

Samedi et dimanche, nous avons vu plusieurs spectacles ensemble ou séparément.

Les spectacles vus : Barbe bleue (Nadine Walsh et Catherine Gaillard), Barbe blues (Elodie Mora), La cascade de Yureil Daki (Fred Duvaud), Les mille et une nuits (Jihad Darwiche), Volatil(es) (Virginie Komaniecki, accompagnée de Samuel Cattiau, contre-ténor), Les Darwiche conteurs (Jihad, Layla et Najoua Darwiche), Tout À Kata (Nefissa Benouniche), Mémoires en short (Olivier de Robert), Vol de 1e classe (Pierre Delye).

 

Parmi les spectacles qui nous ont touchés, il y a sans surprise Les Darwiche conteurs avec Jihad et ses deux filles, Layla et Najoua. Avant même de les voir apparaître et s’installer dans les fauteuils posés sur la scène sur des tapis multicolores, la voix de la mère/grand-mère qui chante un poème. Leur origine. La voix de celle qui les a mis au monde en tant que conteur et conteuses. Une voix portant une parole qui réclame respect et dignité, poésie et espoir.

Ensuite, les contes se succèdent, tantôt par le biais d’une seule voix, tantôt par les trois, mais toujours avec une économie de mots, une sobriété propre à ce qu’on appelle encore «le conte traditionnel». Or, cette économie de mots, comme Jihad a pu en parler le len­demain à la conférence, permet au public d’exercer sa propre intelligence, d’ajouter son propre bagage d’imaginaire, de faire son propre film. Ce qui n’enlève donc rien à l’his­toire, mais au contraire ajoute à celle de ceux qui l’écoutent.

 

Parmi les spectacles qui nous ont un peu déconcertés, ceux d’Olivier de Robert et de Pierre Delye. Ces conteurs d’expérience ont proposé, ces jours-ci, des prestations clairement humoristiques. Ces histoires vraies… ou vraies histoires sont portées par des corps qui ont l’air de trouver le même genre de chemin pour les gestes, les mimiques, les déplace­ments, les répliques, celles qui, dans tous les cas, font rire le public. Divertisse­ment répandu sur les divers continents, l’humour si à la mode serait-il un des signes de désespoir profond des humains en ces temps qu’on annonce volontiers apocalyptique?

 

Et puis, un «coup de cœur», une découverte… Fred Duvaud avec Tanuki et Kitsuné.

Seul sur scène avec un tabouret, un verre d’eau (!) et un instrument à musique et autres étrangetés vocales, Fred Duvaud nous a entraîné sans relâchement dans la quête de son grand-père disparu en Indochine. Avec une très belle qualité de présence, dans des rythmes aussi divers qu’effrenés, avec des histoires inventées tantôt à partir de dessins animés japonais, tantôt à partir de films de guerre américains des années 80. Il nous a tenu en haleine du début à la fin avec un vocabulaire verbal aussi riche et varié que son très beau vocabulaire gestuel et physique. À suivre de près…

 

REMERCIEMENTS

Nous tenons, Christian-Marie et moi, à remercier vivement Martine Carpentier, directrice générale du Centre des Arts du Récit et du festival pour son accueil plus que chaleureux. Merci de nous avoir donné l’impression que nous étions des vôtres!

Mais nous remercions aussi toute l’équipe du festival avec, notamment, Jean-Claude (l’inlassable chauffeur), François et Martine, les deux autres Martine! Et puis les autres de l’équipe qui, chaque jour, à chaque activité (spectacles, déplacements, repas), étaient là chaleureux, aimables, attentifs et gourmands. Merci à tous et bonne route pour la suite du monde! Au plaisir de vous retrouver ici ou là-bas.