Comment devenir conteur?
20 Mar 2023
Les arts de la parole, c'est quoi?
Est-ce qu’il suffit d’être à l’aise devant un public pour être un conteur?
Comme toute forme d’art, conter s’appuie non seulement sur le talent, mais aussi sur des compétences et des techniques précises qu’il est possible d’apprendre et de développer. Si ça semble si simple, c’est parce que les conteurs maîtrisent toutes ces techniques pour nous faire voyager dans leurs histoires! C’est comme quand vous allez voir un pianiste ou un danseur professionnel en spectacle : ils sont tellement bons que ça semble facile. Eh bien c’est la même chose pour le conte!
Comment développer ces compétences? Quelles sont les étapes à suivre? Autrement dit… comment devenir conteur?
Laissez-nous démystifier tout ça!
La boîte à outils du conteur
Évidemment, pour devenir conteur, il faut développer différentes compétences qui peuvent s’appuyer sur des « techniques » propres à la discipline. Cela permet aux conteurs de bien transmettre leurs histoires, mais aussi de définir leur identité artistique et le rôle qu’ils souhaitent jouer en tant qu’artistes. Pour vulgariser le tout, nous vous proposons de classer tous ces outils nécessaires aux conteurs en quatre grands volets :
Trouver des récits à raconter : Une bonne histoire à raconter n’est pas toujours facile à trouver! Il faut savoir à la fois chercher, analyser et créer des récits. Le conteur forge ainsi son répertoire, soit la grande « bibliothèque mentale » formée de tous les contes qu’il connaît.
En faire sa propre version : Une fois le conte trouvé, le conteur devra le faire sien, c’est-à-dire y mettre sa couleur, sa sensibilité. Il peut utiliser différentes techniques comme la visualisation, la mise en scène de l’imaginaire, le « jeu », la scénarisation, la comparaison de versions, etc. Comme quoi, même quand le conteur raconte une histoire vieille comme le monde, il y a toujours un peu de lui dans ce qu’il transmet; une part de création.
Développer des techniques de transmission et d’expression: À mesure que le récit prend forme, le conteur doit penser à la façon dont il le transmettra à l’oral, afin que le public puisse imaginer l’histoire. Une panoplie d’outils existent pour aider le conteur à y parvenir, notamment les techniques d’expression : intonation, débit, diction, gestuelle, vocabulaire, etc. Le conteur pourra aussi s’appuyer sur sa sensibilité, ses émotions, ses habiletés d’improvisateur, sa propre capacité à visualiser le récit au fur et à mesure qu’il le raconte, sa relation au public, etc.
Nourrir sa démarche et sa pratique artistique : Comme tous les artistes, les conteurs gagnent non seulement à raffiner leur pratique, mais aussi à se définir comme artistes, en regard des autres conteurs et conteuses, puis du monde qui les entoure. Pour enrichir sa sensibilité artistique et sa capacité créative, il peut se frotter à d’autres formes d’arts, suivre des formations plus pointues, réfléchir sur l’art du conte, sortir de sa zone de confort, favoriser les rencontres et discussions, etc.
Tous ces éléments permettent au conteur de se professionnaliser. On le dit souvent : c’est un long chemin, si beau et si grand, puis l’important n’en est pas la destination! D’ailleurs, pour chaque conteur, le chemin sera différent…
Des chemins différents pour chacun
Il y a autant de parcours différents qu’il y a de conteurs! La preuve : il n’y a pas si longtemps, il n’y avait pas de formations pour apprendre à raconter, même pas des formations d’initiation! Des conteurs, que l’on considère aujourd’hui comme les pionniers du milieu, ont toutefois réussi à tracer leur chemin dans la discipline et à développer leurs compétences autrement. Pensons à Jocelyn Bérubé, qui a commencé à conter sans savoir qu’il faisait du conte… C’est à travers d’autres pratiques artistiques, notamment au sein de la troupe de théâtre le Grand cirque ordinaire, qu’il s’est découvert conteur. On peut aussi penser à Mike Burns, qui a hérité de récits de sa famille et à Michel Faubert, qui entre musique et conte, a fait partie de la « mouvance trad » et a vécu une expérience forte de collectage auprès d’un conteur traditionnel. Tous ces parcours ont forgé des conteurs très différents, au répertoire, au style et à l’approche bien différentes.
Alors, quel chemin emprunter?
Il n’existe pas un chemin meilleur qu’un autre pour devenir un conteur. Au Québec, il n’y a pas d’école de conte ou de programme d’enseignement dédié à cet art. Aujourd’hui, il existe cependant des formations pouvant soutenir les conteurs dans le développement de leur art. Il n’y a pas de recette précise à suivre, mais on peut tout de même dresser une liste d’ingrédients qui peuvent être cuisinés de différentes manières, afin de créer un parcours unique!
Suivre une formation d’initiation au conte pour comprendre les bases à développer et surtout, apprendre un premier conte!
Joindre un groupe de conteurs et participer à des événements avec d’autres passioné.es du conte (ex. conter à des micros libres, intégrer des cercles de conteurs). Il s’agit d’acquérir de premières expériences et de se donner des occasions d’échanger avec d’autres conteurs et conteuses.
Se bâtir un répertoire, que ce soit en apprenant des histoires ou en en créant.
Explorer « l’histoire de l’art du conte », notamment en découvrant le répertoire des contes traditionnels, les différents types de récits et leurs fonctions à travers le temps et le territoire.
Assister à des spectacles de conte pour entendre d’autres conteurs.
Réfléchir à sa pratique en discutant et en s’impliquant dans le milieu.
Participer à des formations de perfectionnement et identifier les aspects pertinents à développer.
Se trouver un mentor ou un « coach ».
Se créer des occasions de conter.
Et un jour…
S’informer sur le soutien et les subventions disponibles pour accompagner les conteurs dans leur pratique et faire des demandes.
Participer à un premier spectacle en collectif ou en solo!
Donc est-ce que je peux « être un conteur ou une conteuse »?
Oui! Tout le monde peut s’engager sur ce chemin magnifique, que ce soit pour en faire un métier ou simplement pour le plaisir de partager des histoires. Un conteur peut bien sûr monter sur scène, mais la pratique du conte est bien plus diversifiée que cela.
« Être un conteur » ne signifie pas uniquement être programmé dans des grandes salles et participer à des festivals de conte en racontant des histoires. L’art du conte peut être mobilisé dans différents contextes, de différentes manières et porter divers objectifs. Pensons notamment aux ateliers de conte dans les écoles, qui permettent aux jeunes de développer des compétences pour s’exprimer oralement, structurer leurs idées, développer leur vocabulaire, etc. Des projets de médiation culturelle ont aussi permis à certains peuples de se réapproprier leur culture ou à des groupes d’immigrants de reconnecter avec leurs racines. Le conte a même fait l’objet d’études sur le plan thérapeutique, notamment auprès de personnes souffrant d’Alzheimer. Au-delà d’un art de la scène, le conte reste un art de la relation, et les récits sans âge qui ont traversé le temps, les époques et le territoire rappellent que nous sommes toutes et tous humains, avec tout ce que cela implique.
C’est à travers leur démarche de formation, leur pratique, leur expérience, leurs rencontres et leurs réflexions que les conteurs en viennent à faire ce choix de pratiquer le conte pour le plaisir ou de s’engager dans une démarche de professionnalisation, que ce soit comme artiste de la scène ou comme acteur de changement au sein de la communauté.
Dans l’éventualité d’une professionnalisation, c’est la démarche artistique qui vient forger l’identité artistique du conteur et qui permet, au-delà des techniques et compétences, de donner du poids à la parole d’un conteur.